Contrôle fiscal de l’entreprise : quelles garanties ?

L’administration fiscale dispose, dans le cadre de l’exercice de son activité de contrôle et de rectifications fiscales, de pouvoirs étendus. En contrepartie de ces pouvoirs accordés à l’administration, les entreprises bénéficient, notamment dans le cadre des vérifications de comptabilité, d’un certain nombre de droits et garanties prévus par la loi, par la jurisprudence, voire par de simples mesures administratives.

L’envoi d’un avis de vérification

L’administration fiscale a l’obligation stricte d’informer préalablement et par écrit l’entreprise de la vérification dont elle sera l’objet, au moyen d’un avis de vérifica­tion. Cet avis de vérification doit comporter un certain nombre de mentions et être accompagné de la charte du contribuable vérifié.

 

L’avis de vérification de comptabilité. L’article L 47 du Livre des procédures fiscales impose à l’administration l’envoi ou la remise d’un avis de vérification lorsque son intervention constitue soit un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l’impôt sur le revenu (ESFP), soit une vérifica­tion de comptabilité. L’avis de vérification doit comporter un certain nombre de mentions, dont certaines sont obligatoires, sous peine d’irrégularité de la procédure : il s’agit de la mention informant le contribuable des années vérifiées et de la faculté de se faire assister d’un conseil de son choix. Entre la remise de l’avis de vérification et le début des opérations de contrôle, l’entreprise doit disposer d’un délai suffisant, que la juris­prudence évalue à au moins deux jours, notamment pour que l’entreprise puisse faire appel au conseil de son choix (CE 2-10-2002 n° 228436).

 

La mention de l’assistance d’un conseil. Les avis de vérification comportent, en principe, la formule suivante : « Au cours de ce contrôle, vous avez la faculté de vous faire assister par un conseil de votre choix. ». L’absence de cette mention est sanctionnée par la nullité de la procédure, qui entraîne la nullité de la vérification et corrélativement des impositions supplémentaires qui ont pu être mises à la charge de l’entreprise.

 

La charte du contribuable vérifié. L’administration doit remettre à l’entreprise la charte des droits et obli­gations du contribuable vérifié avant l’engagement d’une vérification de comptabilité et rend opposables à l’administration les dispositions contenues dans ce document (article L 10, alinéa 4 du Livre des procé­dures fiscales).

Recours aux supérieurs hiérarchiques. La charte du contribuable vérifié permet aux entreprises qui rencon­trent des difficultés lors du déroulement de la vérification de comptabilité de s’adresser à l’inspecteur départe­mental ou principal et ensuite à l’interlocuteur spécialement désigné par le directeur des services fiscaux (ce recours suppose donc une demande de l’entreprise). En pratique, leurs coordonnées figurent, en principe, sur l’avis de vérification. En outre, elle permet, en cas désaccord avec le vérificateur sur les rectifications envisagées, de solliciter l’inspecteur départemental ou principal et, si des divergences importantes subsistent après ces contacts, l’interlocuteur spéciale­ment désigné, afin d’obtenir des éclaircissements sup­plémentaires. Si l’administration ne donne pas suite à la demande de l’entreprise de saisine d’un supérieur hiérarchique, elle méconnaît une formalité substantielle, dont l’irrégularité entraîne la décharge de l’imposition dans la limite du chef de rectification maintenu (CE 21-6-2002 n° 219313).

 

La limitation de la durée de la vérification de comptabilité

La vérification sur place des livres et documents comptables ne peut, sous réserve de certaines exceptions, s’étendre sur une durée supérieure à trois mois pour les entreprises dont le chiffre d’affaires ou le montant annuel des recettes brutes n’excède pas la limite d’admission au régime simplifié d’imposition (articles L 52 et L 52 A du Livre des procédures fiscales). Concrètement, sont concernées les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes n’excède pas les limites suivantes :

- 818 000 € pour les entreprises exerçant une activité de vente de marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fourniture de logement ;

- 247 000 € pour les entreprises exerçant une activité de prestation de services ou une activité non commerciale ;

- 365 000 € pour les entreprises agricoles.

Par exception, toutefois, les sociétés holdings répon­dant à ces critères sont exclues du champ de la garantie lorsqu’elles détiennent des participations financières importantes : sont visées par cette excep­tion les personnes morales à l’actif desquelles sont inscrits des titres de placement ou de participation pour un montant total d’au moins 7 600 000 €. La garantie ne s’applique pas aux entreprises dont l’objet est civil et dont l’activité se borne à la gestion non commerciale de leur patrimoine immobilier. De même, le Conseil d’État a jugé que la limitation de la durée sur place des vérifications ne peut pas bénéficier aux sociétés immobilières exerçant une activité civile de location de locaux nus (CE 21-12-2007 n° 281068), ni aux sociétés exerçant une activité civile de gestion de portefeuille de titres (CE 28-3-2008 n° 284548). Par ailleurs, en cas de vérification d’une comptabilité informatisée, le délai de trois mois est prorogé du délai nécessaire à la mise en oeuvre des traitements informatiques envisagés par le vérificateur.

 

L’exigence d’un débat oral et contradictoire

Cette garantie exige que le contribuable faisant l’objet d’une vérification de comptabilité ne doive pas, sous peine d’irrégularité de la procédure, et donc de nullité des rectifications fiscales effectuées, être privé de la possibilité d’un débat oral et contradictoire avec le vérificateur. L’exigence d’un débat oral et contradictoire implique la possibilité d’établir dans l’entreprise, à tous les stades d’une vérification de comptabilité, un dia­logue évolutif et constructif avec le vérificateur.

 

L’information des résultats de la vérification de comptabilité

Lorsque l’administration a procédé à une vérification de comptabilité (ou un examen de la situation fiscale personnelle), elle doit en porter les résultats à la con­naissance de l’entreprise, même en l’absence de recti­fication (article L 49 du Livre des procédures fiscales).

Ainsi :

- si l’administration constate, au cours de la vérifi­cation, une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul de l’impôt et si elle use de la procédure de rectification contradictoire, elle est tenue d’informer l’entreprise sur la nature, le montant et les motifs des rectifications envisagées ; si elle utilise la procédure d’imposition d’office, elle doit notifier à l’entreprise les bases ou les éléments servant au calcul de l’imposition ;

- si la vérification n’aboutit à aucune rectification, l’administration doit en informer l’entreprise au moyen d’un avis d’absence de rectifications.

 

Les conséquences financières des rectifications fiscales

L’administration est tenue d’indiquer à l’entreprise, dans la proposition de rectification, le montant des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications envisagées à l’issue d’une vérification de comptabilité et de renouveler, le cas échéant, cette information avant la mise en recouvrement en cas de réduction des rehaussements au cours de la procédure de rectification. L’administration doit, par ailleurs, lorsqu’elle envisage d’accorder un échelonnement des rappels de droits et pénalités consécutifs aux rectifications ou le bénéfice d’une transaction, en informer l’entreprise dans les mêmes conditions (article L 48 du Livre des procédures fiscales).

Le non-respect par l’administration de cette garantie rend, en principe, les impositions irrégulières. Ces manquements peuvent, toutefois, être réparés par l’administration par l’envoi, après dégrèvement, d’une notification comportant l’indication du montant des droits et pénalités (dans la mesure où le délai de reprise n’est pas expiré).

 

La demande de règlement d’ensemble

L’entreprise a la possibilité de demander le règlement d’ensemble de sa situation fiscale en demandant que la vérification, réalisée au titre soit des taxes sur le chiffre d’affaires, soit des impôts sur les revenus, soit étendue à celui des deux groupes d’impôts dont, initialement, le contrôle n’avait pas été envisagé.

Connue sous le nom de « demande de règlement d’ensemble », cette mesure peut présenter un intérêt. Outre, comme le rappelle l’administration, le fait que cette demande permet à l’entreprise, au moment où elle doit se prononcer sur les résultats de la vérification de comptabilité, d’acquiescer ou non en parfaite connaissance de cause (et connaître, avant toute éven­tuelle acceptation, le montant total des impositions qui peuvent lui être réclamées à raison des résultats des exercices non prescrits), elle rend possible l’application complète du procédé de la cascade.

On rappelle, à cet égard, que la cascade dite « simple » permet d’imputer les rappels de taxes sur le chiffre d’affaires sur les résultats retenus pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu. Quant à la cascade dite « complète », elle permet d’imputer sur les bénéfices réputés distribués, déjà diminués le cas échéant, du supplément de taxes sur le chiffre d’affaires afférent, le rappel d’impôt sur les sociétés correspondant au redressement effectué, sous la condition expresse que les bénéficiaires de la distribution reversent dans la caisse sociale les sommes nécessaires au paiement des taxes sur le chiffre d’affaires et de l’impôt sur les sociétés afférentes aux sommes qu’ils ont appréhendées. Alors que la cascade dite « simple » est appliquée automa­tiquement sans demande préalable du contribuable qui peut, cependant, y renoncer expressément, le bénéfice de la cascade dite « complète » reste subor­donné à une demande expresse du contribuable.

La demande de règlement d’ensemble évite ainsi à l’entreprise de se voir refuser une telle imputation, soit parce que la vérification des taxes sur le chiffre d’affaires ne serait pas suivie de celle des impôts sur les reve­nus, soit parce que la vérification de ces derniers serait achevée avant celle des taxes sur le chiffre d’affaires.

 

Le non-renouvellement de la vérification de comptabilité

Il s’agit, ici, d’une garantie prévue par le Livre des procédures fiscales, à l’article L 51. Ce dernier dispose que « lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d’un impôt ou taxe ou d’un groupe d’impôts ou de taxes est achevée, l’administration ne peut procéder à une nouvelle véri­fication de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période ».

Puisque le non-respect de cette garantie dont bénéficie l’entreprise est sanctionné par l’irrégularité de la deuxième vérification, elle est encadrée strictement. En premier lieu, cette garantie ne vise que les entre­prises, ou tout du moins les personnes astreintes à tenir une comptabilité, à raison des activités qu’elles exercent et du régime fiscal auquel elles sont soumises dans l’exercice de ces activités. Elle ne vise donc que les vérifications de comptabilité. En deuxième lieu, pour que la garantie s’applique, il faut faire face à deux interventions successives de l’administration qui ont le caractère d’une vérification de comptabilité, la seconde vérification portant sur les mêmes impôts que la première et sur les mêmes périodes. En troisième lieu, l’interdiction ne s’applique que si la seconde vérification porte sur les mêmes impôts que la première et pour les mêmes périodes.

Plusieurs exceptions sont prévues à l’interdiction de renouveler une vérification de comptabilité. Cette inter­diction ne s’applique pas :

- lorsqu’une partie seulement de l’activité du redevable ou un aspect de cette activité a été vérifié ;

- en cas d’agissements frauduleux pour lesquels l’administration a déposé plainte pour fraude fis­cale : les délais de reprise sont, en effet, dans ce cadre, prorogés de deux ans, la vérification pouvant alors s’étendre, dans ce cas, aux deux années excédant le délai normal de reprise, même si ces deux années ont déjà fait l’objet d’un précédent contrôle ;

– lorsque l’administration a dressé un procès-verbal de flagrance fiscale au titre d’une période postérieure à celle vérifiée ;

– en cas de contrôle des sociétés mères ayant opté pour le régime d’intégration fiscale des groupes de sociétés ;

– lorsque l’administration a adressé une demande de renseignements à une autorité étrangère ;

– lorsqu’une plainte ayant abouti à l’ouverture d’une enquête judiciaire pour fraude fiscale a été déposée.

Par ailleurs, en matière de taxes sur le chiffre d’affaires, l’administration peut contrôler la période écoulée depuis la clôture du dernier exercice jusqu’au jour de la vérification et reprendre, au cours de la vérification suivante, le contrôle de cette période avec celui de l’exercice auquel elle se rattache.

 

Les mesures de bienveillance pour les PME récentes

L’administration fiscale a précisé que les petites et moyennes entreprises industrielles, commerciales ou artisanales qui se créent (à l’exclusion des créations résultant d’un simple changement dans les conditions juridiques d’exploitation) doivent bénéficier d’un traitement spécifique à l’occasion des vérifications dont elles font l’objet au cours de leurs premières années d’activité (BOI-CF-PGR-20-50), afin notamment de tenir compte du fait que les nouveaux chefs d’entreprise ne sont pas nécessairement familiarisés avec la législation fiscale.

Cette mesure concerne les rappels d’impôts faisant suite à une vérification et résultant d’erreurs commises de bonne foi pendant les quatre premières années qui ont suivi la création ou l’acquisition de l’entreprise.

Dans ce cadre, l’administration admet qu’il y a lieu d’accorder, à titre gracieux, une large modération des pénalités encourues, en cas de rappels d’impôts, y compris des intérêts de retard.

Le bénéfice de cette mesure est accordé principale­ment aux entreprises dont le chiffre d’affaires n’excède pas les limites du régime simplifié d’imposition, soit :

- 818 000 € s’il s’agit d’entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, et denrées à emporter ou consommer sur place ou de fournir le logement ;

- 247 000 € s’il s’agit d’entreprises prestataires de services.

Par ailleurs, l’administration peut accorder des délais de paiements : échelonnement des impositions établies à la suite d’une vérification ou octroi de délais de paiement après mise en recouvrement.

Attention, il faut savoir que ces mesures de bienveillance constituent non pas une règle dont la méconnaissance pourrait être sanctionnée, mais une simple recomman­dation pour inciter les agents compétents à faire preuve d’indulgence à l’égard de certains chefs d’entreprise.

  

Remarque : Pour la période exceptionnelle de COVID-19

Le délai de reprise de l’administration fiscale est suspendu pour la période comprise entre le 12 mars 2020 et un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire pour la seule année se prescrivant au 31 décembre 2020, quelle que soit la date d’engagement du contrôle fiscal.

L’administration fiscale dispose donc d’une période de plus de cinq mois en 2021 pour procéder à des rectifications au titre de périodes d’imposition qui auraient été normalement prescrites le 31 décembre 2020 (année 2017 par exemple). Ces rectifications pourront résulter de contrôles engagés en 2020 ou même en 2021 (avant l’expiration du délai de reprise).

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